S’il doit vraiment y avoir un Dieu d’amour, il ne nous imposera pas de sanctions. Il nous aimera tel que nous sommes, il n’exigera pas notre obéissance, il ne se sentira pas insécurisé par la critique, il ne nous menacera pas de l’enfer, il ne nous fera pas peur, il ne mettra pas notre loyauté à l’épreuve, il ne se méfiera pas de nous, il nous laissera vivre nos sentiments et nos pulsions – sûr que nous serons capable, à partir de cette base, d’apprendre l’amour fort et authentique, l’amour qui est tout le contraire du sentiment du devoir et de l’obéissance et qui ne s’accroît que de l’expérience d’être aimé. On ne peut pas éduquer un enfant à aimer, ni avec des coups, ni avec des bonnes paroles; il n’est pas de recommandation, de leçons de morale, d’explication, de modèle, de menace ni de sanction qui puisse rendre un enfant capable d’aimer. Un enfant à qui l’on fait des leçons de morale apprend à faire des leçons de morale, et un enfant à qui l’on donne des coups apprend à donner des coups. L’éducation peut faire d’un homme un bon citoyen, un courageux soldat, un juif, un catholique, un protestant, un athée, et même un psychanalyste orthodoxe, mais pas un être vivant et libre. Or seuls ces deux derniers attributs, la vie et la liberté, et non les contraintes de l’éducation, ouvrent la voie de la véritable faculté d’aimer.
Alice Miller, L’enfant sous terreur, Aubier, 1986.