Au petit matin

Assise sur le canapé, j’écoute les bruits du dehors, les bruits de la ville. Le clapotis de talons féminins sur le trottoir, un engin mécanique plus loin. Une porte de voiture claque. A l’intérieur, j’entends le goutte-à-goutte des radiateurs, le ronronnement de l’ordinateur. Une tension dans les épaules et dans le dos m’empêche de me détendre. Je n’ai pas encore ouvert les volets. Je ne veux pas réveiller mon tout-petit qui dort à côté.

Le téléphone a sonné, je n’ai pas pu répondre. Que lui dire ? Comment lui dire que je n’ai pas envie de la voir, elle, la veuve, la mère de ma mère. Je n’ai même pas vraiment élucidé pourquoi. Peut-être parce qu’elle vampirise son entourage. Une demande affective que personne ne pourrait assouvir, qui épuise celui qui en fait l’objet. Je ne veux plus, c’est mon leitmotiv. Je ne veux plus me sentir aspirée, vidée de ma substance, utilisée aux fins de combler des besoins aussi puissants que destructeurs, par ces mères, ces mères de mères.

J’ai tellement maigri ces derniers mois, comme si cette perte de substance, ce « vol » de substance, s’était inscrit dans ma chair. C’est étrange comme le bonheur que m’apportent l’homme et l’enfant avec lesquels je vis, peut côtoyer ce désespoir, la descente dans ce puits sans fond.

Mais, c’est justement parce qu’ils sont là, que je peux plonger dans ces eaux noires, oser faire un pas, puis un autre dans la nuit. Ils seront là, au petit matin, pour m’accueillir.

Dernières traces d’un autre carnet
Sérénissime, 22 mars 2007.

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