Je pourrais me recueillir mille ans
devant la muraille des déserts
tour à tour émue dans l’ombre
contre l’âme des instruments de votre torture
tour à tour sœur de l’arbre debout
déporté vers les levants
Je pourrais marcher sur le fil
ardent du rasoir vos chevelures
endormir vos tourmentes
d’arbres au cœur craintif
jouer pour vous la musique de l’aube
ou le psaume de la mémoire des cours d’eau
Je pourrais disparaître un instant
ou mille ans dans la fente du seuil
m’élever dans la profondeur lente
des vies épuisées au bord des lèvres
sans la parole qui vous guérirait
poussières dispersées par le vent
Je vous vois encore à travers la muraille
vous étiez le troupeau dont j’étais le gardien
L’ombre de mes arbres
dans les ruines du silence
Je commente moins car j’aime toujours autant et que mes mots seraient toujours les mêmes… encore une affaire de musique, de résonance, de frémissement.
Belle Altess qui disparait dans les fentes et renait sur les crêtes …
Il s’en passe des choses à la lecture…
Je ne dirai pas lesquelles… ;o)
…
Chaque fois que j’écoute ou j’entends Zangra de Brel, je pense au Désert des tartares de Buzzati.
Aujourd’hui c’est à eux deux que je pense en lisant ce poème.
Même distance du héros au monde, en surplomb, dans le flot du temps.
Distance humaine — non divine ! — de celui qui regarde ses frères :
« Je vous vois encore à travers la muraille
vous étiez le troupeau dont j’étais le gardien
L’ombre de mes arbres
dans les ruines du silence »
« Je ne serai pas héros » conclut Brel à la fin de Zangra.
Je ne connais pas cette chanson de Brel, en revanche je connais le Désert des Tartares, qui sur m’influence cependant moins que le Rivage des Syrtes (avec lequel il partage beaucoup de points communs) de Gracq.
M’en vais aller chercher Zangra à écouter sur le net.