Improvisation

Mon cœur se serre. Qu’ai-je fait? je ne sais pas. Je ne le saurai jamais. C’est étrange, laisser courir ses doigts sur le clavier sans savoir, savoir quoi? savoir ce qui va sortir. De la chrysalide? Non, juste du mouvement des doigts sur un clavier. Comme une impro sur un piano. Des combinaisons de lettres et de mots, comme des accords ou des mélodies. Un chant émerge parfois. Une voix douce, aiguë, fluide. Des cordes pincées sur une guitare. Une brèche s’ouvre dans mon crâne et un courant d’ondes s’en échappent. Une poussière de météorite et d’étoile. Les voix se mélangent. Mon tout-petit rit et toutes les tensions se relâchent. Toutes, non. Mon front se plisse. Le soleil m’inonde de sa chaleur et mes yeux se ferment.

Je vois des fleurs qui s’ouvrent et se referment dans toute la grâce de leur transparence, puis une prairie ou un torrent. J’ai chaud et froid. C’est juste un nuage qui passe.

Dernières traces d’un autre carnet
Sérénissime, 20 mars 2007.

De la rue Montmartre à l’Hôtel de Ville

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Il est 21h30. Jean Jaurès se trouve au « Café du Croissant », à l’angle de la Rue du croissant et de la Rue Montmartre. Il y a trois détonations: deux balles lui perforent le crâne et une balle l’atteint à la poitrine. L’assassin est Raoul Villain, un rémois de 29 ans, étudiant en archéologie à l’école du Louvre, et surtout adhérent de la Ligue des jeunes amis de l’Alsace-Lorraine, groupement d’étudiants nationalistes.

(Wikipédia)

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Hard discount dans immeuble haussmanien qui accueillit les locaux du journal L’Aurore.

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Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l’innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu’il n’a pas commis.

(E. Zola)

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On aperçoit le chevet de l’église Saint-Eustache, et tout au fond, la tour Saint-Jacques.

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Vue sur l’Hôtel de Ville depuis le 6e étage du Bazar de… l’Hôtel de Ville.

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L’amour, la vie, la liberté

S’il doit vraiment y avoir un Dieu d’amour, il ne nous imposera pas de sanctions. Il nous aimera tel que nous sommes, il n’exigera pas notre obéissance, il ne se sentira pas insécurisé par la critique, il ne nous menacera pas de l’enfer, il ne nous fera pas peur, il ne mettra pas notre loyauté à l’épreuve, il ne se méfiera pas de nous, il nous laissera vivre nos sentiments et nos pulsions – sûr que nous serons capable, à partir de cette base, d’apprendre l’amour fort et authentique, l’amour qui est tout le contraire du sentiment du devoir et de l’obéissance et qui ne s’accroît que de l’expérience d’être aimé. On ne peut pas éduquer un enfant à aimer, ni avec des coups, ni avec des bonnes paroles; il n’est pas de recommandation, de leçons de morale, d’explication, de modèle, de menace ni de sanction qui puisse rendre un enfant capable d’aimer. Un enfant à qui l’on fait des leçons de morale apprend à faire des leçons de morale, et un enfant à qui l’on donne des coups apprend à donner des coups. L’éducation peut faire d’un homme un bon citoyen, un courageux soldat, un juif, un catholique, un protestant, un athée, et même un psychanalyste orthodoxe, mais pas un être vivant et libre. Or seuls ces deux derniers attributs, la vie et la liberté, et non les contraintes de l’éducation, ouvrent la voie de la véritable faculté d’aimer.

Alice Miller, L’enfant sous terreur, Aubier, 1986.

Vivante

Je ne peux revenir en arrière. Mon corps se révolte à cette idée, me crie que ça lui est impossible. J’en ressens un soulagement immense, qui panse les effets d’un deuil que j’ai mis bien trop longtemps à faire. Aussi, le soulagement côtoie le sentiment de culpabilité, et la colère, et la dépression. Je descends dans mes enfers à la recherche de mon ombre, ou à la recherche de mon moi vivant? Oui, de moi vivante! Je suis en train de renaître. Enfin… je crois. Je l’espère de tout mon être. La rechute est-elle tapie derrière la porte? Patience, respire, tu aperçois un rai de lumière dans les ténèbres où tu avances. C’est peut-être le bandeau devant mes yeux qui devient un peu lâche et me laisse entrevoir la vérité.

Je ressens parfois de la nostalgie, et même de la tendresse envers ceux qui m’ont tellement blessée. Je ne sais si je dois m’en méfier, ou comprendre qu’il s’apaise quelque chose en moi. Je ne veux plus enfouir ma colère, elle est mon garde-fou, ma sentinelle.

J’attends, curieuse. Qui va sortir de cette chrysalide? A quoi ressemble ce moi vivant avec lequel je me suis donné des rendez-vous sans cesse reportés?

Dernières traces d’un autre carnet
Sérénissime, 14 mars 2007.

Préhistoire maternelle, 1

Aussi loin que mes souvenirs remontent, j’ai désiré être mère. Comme certains enfants ont un ami imaginaire, moi j’avais… un enfant imaginaire. Je le portais en moi, et lui parlais longuement. J’avais ce besoin de lui transmettre mon expérience, mes émotions, mes réflexions, ce que suscitait en moi le monde dans lequel je grandissais. Un petit moi, peut-être, certainement même, avec le recul. Je n’aimais pas mon enfance et je savais déjà que je ferai autrement, avec mes enfants. Je savais qu’un enfant qui ment n’est pas un menteur, mais quelqu’un qui a peur, je savais qu’un enfant n’est pas coupable, mais le prétexte aux disputes de ses parents.

Parfois, mais pas assez souvent à mon goût, je rêvais de cet enfant, ou que j’étais enceinte. Ces rêves étaient remplis de sensations inconnues de moi dans le monde éveillé, et je me demandais si c’était celles que je connaîtrais en temps voulu. Que j’aimais ces rêves…

Depuis toute petite j’avais des chats, et longtemps il m’est arrivé de rêver que j’étais la maman de chatons. Je me souviens d’un particulièrement, lorsque j’avais 18 ou 19 ans. Dans une portée de chatons, l’un d’eux était différent, par sa couleur, jaune, et parce qu’il était tout petit et frêle. Il était rejeté par les autres. Envahie par des émotions très puissantes, je me suis réveillée en pleurant, et l’intensité de ce rêve, et ce petit chaton jaune, et les larmes, m’ont accompagnée non seulement tout ce jour-là, mais aussi longtemps par la suite.

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Hésitation

La légèreté me fait cruellement défaut. Je suis timide et réservée, trop polie. Tout en retenue. J’ai cet air sage et fragile des enfants silencieux. Je préfèrerais paraître sauvage et farouche comme les chats, auxquels pourtant je ressemble parfois.

Tout en retenue. La plume reste en suspens, les doigts se figent sur le clavier. Et si… Et… Mais… Allez… Mais non, je n’y arrive pas… si, si… tu vois, allez… non, je ne peux pas…

Et si… enfin j’étais… moi ?

Dernières traces d’un autre carnet
Sérénissime, 4 mars 2007.

Rares et précieux

Fusées Abricotine
Bousingot
Chapechuter
Diérèse
Ebiseler
Flavescent
Goétie
Happelourde
Immarcescible
Javeau
Kéraunoscopie
Luberne
Méchine
Nictation
Ochlocratie
Palpébral
Quilboquet
Remontadoire
Sauveterre
Torquette
Urticin
Vagant
Warretée
Xénie
Yolier
Zététique
Timidement

Dictionnaire des mots rares et précieux, 10/18.
Dictionnaire des mots rares et précieux

On joue au jeu des définitions?

Le bout du rouleau

Je m’attendais à ce que faire avancer plus radicalement les choses serait difficile et douloureux. Je crois qu’une partie de moi croyait à un miracle, à une guérison spectaculaire… Il n’en est rien. Mon corps me fait douloureusement sentir que ces liens — ces entraves — que j’essaie d’arracher sont bien ancrés en moi. J’ai maigri, j’ai les entrailles qui hurlent leur peur, je suis fatiguée, si fatiguée…

Je ne peux, ni ne veux revenir en arrière. La culpabilité me ronge et la peur, la peur panique de l’abandon. Il y a une petite fille en moi, terrorisée. Mais je ne peux revenir en arrière, reprendre ces mots que je leur ai dits, la vérité, ma vérité. Peut-on vivre toute sa vie dans la peur, le mensonge, l’hypocrisie? Pieds et poings liés à en étouffer? Oui bien sûr, tellement de gens vivent de cette manière. Mais je ne peux plus. Je me sens comme une plante aux feuilles jaunies, par défaut de lumière et de soins; comme ces princesses de contes, enfermées dans la plus haute tour du château.

Je suis arrivée au bout du rouleau et c’est une excellente chose. Un rouleau si long, que j’aurais pu ne jamais en voir la fin. J’ai tellement appris à supporter d’être si mal aimée. Supporter cette souffrance, le prix à payer pour quoi? ne pas être abandonnée? cruelle ironie finalement. Il n’y a pas besoin d’être conduit au fond de la forêt pour se sentir seul.

Aujourd’hui, j’ai choisi de descendre aux enfers, affronter mes démons, et me vider de toutes les peines du monde. Mais, comme Dante, j’ai un guide; et des soutiens aussi, l’homme de ma vie et un petit enfant, si petit, et si vivant…

Dernières traces d’un autre carnet
Sérénissime, 28 février 2007.

Histoires…

Dans ma pile de livres à lire, deux livres d’Histoire:

Philippe Ariès

L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime (1973), de Philippe Ariès. Un livre cité dans Insoumission à l’école obligatoire, de Catherine Baker, et aussi dans Une société sans école, d’Ivan Illich, par exemple ce passage de la préface:

(…) A partir de la fin du XVIIe siècle, un changement considérable est intervenu dans l’état de moeurs que je viens d’analyser. (…) L’école s’est substituée à l’apprentissage comme moyen d’éducation. Cela veut dire que l’enfant a cessé d’être mélangé aux adultes et d’apprendre la vie directement à leur contact. Malgré beaucoup de réticences et de retards, il a été séparé des adultes, et maintenu à l’écart dans une manière de quarantaine, avant d’être lâché dans le monde. Cette quarantaine, c’est l’école, le collège. Commence alors un long processus d’enfermement des enfants (comme des fous, des pauvres et des prostituées) qui ne cessera plus de s’étendre jusqu’à nos jours et qu’on appelle la scolarisation.

Plus récent, Le petit livre des couleurs (2005), de Michel Pastoureau et Dominique Simonnet.

Le petit livre des couleurs

La quatrième de couv:

Ce n’est pas un hasard si nous voyons rouge, rions jaune, devenons verts de peur, bleus de colère ou blancs comme un linge. Les couleurs ne sont pas anodines. Elles véhiculent des tabous, des préjugés auxquels nous obéissons sans le savoir, elles possèdent des sens cachés qui influencent notre environnement, nos comportements, notre langage, notre imaginaire. Les couleurs ont une histoire mouvementée qui raconte l’évolution des mentalités.
L’art, la peinture, la décoration, l’architecture, la publicité, nos produits de consommation, nos vêtements, nos voitures, tout est régi par ce code non écrit. Apprenez à penser en couleurs et vous verrez la réalité autrement!