Dans les vagues incomprises

Comme un départ
Qui ferait naître
La mer sous les pas la source
Au creux de l’oreille
Ce chant délicat de l’eau
Qui forme une spirale
Le long du bras

Ou la lame de fond
Dans la terreur d’un matin blanc
Avec pour seul son
Le grincement de l’if
Sous le vent dans le cimetière
Marin

Où les épaves reposent
Sur le flanc sur
Le sable blanc
Sur l’air tranchant
En spirale colonne de marbre torsadée
Elles finissent en vacillant
Comme au travers d’une flamme

Le feu blanc a traversé l’océan
Porté par une houle aveugle
Un bras armé brandissant une épée
Lame spiralée dent de narval
Sang blanc versé en pure perte
Comme un départ en mer

Dans les vagues incomprises

Veille

Je me balance doucement d’avant en arrière
En regardant mes pieds enracinés

Tremblante au son serpentin d’un matin
Pris dans la lueur des glaces

*

Le veilleur est apparu en se frayant un chemin
Dans les nuages avec sa lame croissante

*

J’entends sa voix sourde qui m’appelle
En me traversant en vagues lentes

Entaille profonde qui fera naître dans mon balancement
La pulsation d’une vigie dans sa tour de guet

Effraction lente

L’encre venin
A crocheté la serrure

Et tu dis

Le fil ne se dénouera pas
Dans ce souvenir cousu dans la poche intérieure de ma mémoire
Il ne mourra pas
Tant que j’appuierai mon dos contre le mur
Avec la solitude pour seule couverture

Et tu dis encore

J’ai cueilli cette pomme que tu tiens dans ta main
Comme une pierre
Mais le carreau est déjà brisé dans la fenêtre de ma mémoire
Et tes mots écrits ont pris cette couleur brune
Des feuilles mortes qui flottent à la surface des choses

Et tu restes là comme si tu avais claqué la porte
À jamais branlante de tes souvenirs
Effacés

Impression d’hiver

Tout à coup plongée
Dans les sillons
En-tête coupé

Hors champ hors-texte
Sur la route tracée
Et sa fin

En cul-de-lampe
Parole du Seigneur
Au chapitre

Impaginé ou replié
En quatre en seize
Trace ligne sillage

Une impression
Sur chemin froissé
Aux ornières

Ou bas de casse
À l’encre de seiche
D’un coup de plume

Couleur corbeau
Croassement anonyme
Pour page blanche

Sans coquilles
Semées et picorées
Où se replier encore

Achillée mille-feuilles
Avec au talon
L’achevé d’imprimer

Terre nue

Ses pas lourds
Laissent une empreinte
Comme le son d’une cloche
Qui se répand dans la campagne
Elle déploie sa danse en gestes lents
Imperceptibles pour l’esprit agité du passant

Tous alignés parfaitement immobiles
Je les imagine vêtus de noir
Le regard vide perçant l’horizon

Imperceptible pour l’esprit agité du passant
Elle déploie sa danse en gestes lents
Qui se répandent dans la campagne
Comme le son d’une cloche
Laisse une empreinte
Sous les pas

De la terre nue

Message

Aux battements de ton cœur
Les voix chuchotent
Ces mots que tu as inventés
Mais que tu n’entends pas

Les voix chantent
Au rythme de ton cœur
Ces mots que tu ne comprends pas
Mais qui te portent devant

Devant la porte du monde
Ouverte pour toi
Le temps d’un battement de ton cœur
Ces mots que tu ne prononces pas

Saison

C’est le retrait dans l’automne et l’absence

Je ne les vois plus qui chuchotent dans le lointain

La vie s’enroule dans le froid et les arbres nus

Lasse je regarde les vagues molles lécher le temps

Faible lutte contre l’absence et l’hiver qui vient

Je ne sais si…

Je ne sais si c’est la brume
Poisseuse ou la pluie et ses larmes
Qui tracent leur chemin
Sur les vitres ou crépitent
Sur les toits ou la lumière
Absorbée par l’ardoise des toits
Ou qui s’y reflète selon
Leur inclinaison et vu d’ici

Je ne sais si c’est la musique
Qui germe dans la terre froide
Et enfle avec la lenteur
D’une saison qui feint la mort
Si c’est la musique qui feint
Cette mort qui défile à reculons
Et décroît pour que la voix
Naisse encore dans une lente
Spirale enveloppante

Je ne sais si c’est la voix
La voix de la terre ou du temps
Ou d’un ciel en colère
Ou du vent tourbillonnant
Si c’est le souffle qui m’emporte
Si c’est le froid sous mes doigts
Sur la pierre si c’est
Moi si c’est l’étreinte
Qui se desserre ou si c’est ici

Je ne sais si c’est la lumière
Qui faiblit ou mes yeux
Qui se ferment ou ma tête
Baissée si ce sont les nuages
Si c’est l’opacité de mon esprit
Si c’est la musique qui s’éteint
Ou la vibration du monde
Ou juste une feuille morte
Emportée par le vent

Derrière le rideau

Mon ami tu as surgi devant moi
Il y avait cet écran d’ardoise
Et ces voix réverbérantes
Que tu écartes comme un rideau

Te voici qui franchis le ruisseau
Et traverses un champ d’armoise
Enveloppé dans une cape de lune
En plein jour transparent

Mon ami tu as surgi devant moi
Quand le chant sourd dans la prairie
Tu m’apportes une lune vibrante
Pour me délivrer de l’anéantissement

Où je me laisserais glisser
Ombre pour ombre sans l’opacité
Du chant de la terre qui rayonne dans la paume
De ma main ouverte

Énigme

“Les armes quand les chuchotements se taisent
Tirent mon humanité sur une croix et les larmes
Ont puisé une vie dans leurs veines racinaires”

J’ai regardé ton énigme et ses bourgeons
Ta douleur intestine et cette poussière d’or
Devant ton rire je voudrais comprendre
Comment la lumière pourrait disparaître
Dans le creux de ta main close

J’ai senti tout à coup ta douleur
Nichée là où tu l’avais dit
Et je suis tombée
Dans ta mort
Que tu gardais secrète
Dans le creux de ta main close

La fuite

Tu voudrais cheminer percé par des lignes de fuite brisées
Médusé par ces verticales coupantes au-dessus de ta tête

Ton regard me pousse je glisse sur la plaine encerclée
Qui se résume à cette place que je rêve campo sorcier

On pourrait traverser par le traghetto de l’autre côté
Tu le sais toi qui tourne le dos quand je m’échappe

Tu détournes le regard et tu files déjà sur la crête
Lignes brisées qui me poussent c’est ainsi

Que se sont télescopés deux rêves dans une ville

Desolatus

J’ai des papillons dans les ramifications de mon esprit
Ceux-là même qui naissent la nuit et s’évaporent au réveil

Ceux-là même qui d’un frémissement d’aile ont le pouvoir
De transformer un monde en équilibre sur la faille de mon esprit

Au réveil dans les ruines de la ville bombardée
Où je me promène prisonnière d’un rêve où naissent

Les papillons blancs des lignes noircies de ma poitrine
Opprimée chaos d’un cosmos sur la carte du sol

Debout debout sur la faille le fil de mon esprit
Chaos sur la faille debout sur le fil sur le sol

Tombe sur les genoux dans les frémissements
D’un chant qui brûle je suis flambeau je suis torche

Une lueur derrière les yeux qui se répand flammes
Dans ma poitrine et sur la ligne d’un sol qui sonne

Chaos vibratile m’arrache moi colonne les yeux fermés
Papillons frémissants portez le chant

Portez-moi incomplète sur le fil d’un monde
Qui brûle dans le rêve infini d’une nuit blanche

Je me verse au creux de cette nuit

Je me verse au creux de cette nuit
Et tu cours trop vite pendant que les voix chuchotent
Je les cherche du regard
Tu as renversé le thé que tu m’apportais
Petits pas de fourmis tu regardes à tes pieds
Je me verse encore sans corps sans corps
Sans bruit dans une image avec flou de bougé

Tu es parti les mains dans les poches
Les épaules rencognées shootant dans les cailloux
Les cailloux pointus pointus pointus point tu
Tu ne reviendras point je ris je crois
Oui sans doute les courants d’air font battre les portes
J’ai cru un instant j’ai cru que j’ai ri

J’ai cru j’ai cru