J’ai oublié d’ouvrir la porte, j’ai oublié l’odeur du café, j’ai oublié la couleur de tes yeux, j’ai oublié de partir, j’ai oublié la lettre de cachet, j’ai oublié que tu m’aimais, j’ai oublié le rebord plissé du ciel, j’ai oublié d’arroser le jardin, j’ai oublié ce qu’il y a derrière l’horizon, j’ai oublié d’avoir peur de l’orage, j’ai oublié l’ennui, j’ai oublié la page 42 et le chapitre 7, j’ai oublié de caresser le chat, j’ai oublié le bruissement du vent dans le feuillage, j’ai oublié de me taire, j’ai oublié la vérité, j’ai oublié le chemin, j’ai oublié la colère, j’ai oublié ton sourire, j’ai oublié les clés, j’ai oublié de fermer la fenêtre, j’ai oublié de mourir, j’ai oublié ce grain de beauté que tu as au coin de l’œil, j’ai oublié où je suis née, j’ai oublié ton nom, j’ai oublié le sommeil, j’ai oublié la chute.
Mars, 10
Tu me bois, œil qui écoute : elle dort, elle s’épuise. Les bras de la forêt t’étouffent, homme qui rêve.
Aumônières
Mars, 9
Or l’eau se fond dans le mystère de sa transparence et clôt le rivage de la tête : Diastole. Systole.
« Les objets contiennent l’infini »
C’était il y a longtemps, nous longions paisiblement la côte quand l’horizon devint dangereux. Fendant la terre. Trouant le réel. C’est dans une ligne que se résout cette énigme. C’est dans une ligne que tombe la mer et que disparaît le vertige. La perte de l’équilibre était dans l’horizon. C’était il y a longtemps. Ainsi devraient commencer tous les récits.
Claude Royet-Journoud, Les objets contiennent l’infini, Gallimard, 1984, p. 53.
(Poezibao)
Mars, 8
Le vent n’a pas d’oreilles, mais il chante l’ode de la pierre.
La mer tuméfiée
La mer tuméfiée
Embruns vent de poussière
Grise suspendue
ImmobileTa voile miroir
Se brise fragments
Tessons en nuages
Ancrés
Mars, 7
Naufrage de celui qui pénètre dans le cercle de l’envahissement : le cercle s’étend, mais la pierre coule doucement.
Marcher sur la pointe du jour
Marcher sur la pointe du jour
La route passage enveloppé
Genou fléchi
Sous l’écorce sable
Telle
La fuite en glissant
Marcher sur la pointe du monde
Un navire désolé
En échec
Akène fuyant
La grève grise
Au tournant
Mars, 6
Prends cette pierre et déchire un pan de ciel. Par cet oubli nous apercevrons peut-être la qualité du vide.
Marque-page
Mars, 5
Le trouble de la joue s’ajoute à l’émeute de l’égarement dans la couleur.
Réverbère sur la Lune
Mars, 4
Le pinceau exécute la permanence du mime et dépose délicatement une perle d’interrogation sur le sol de l’espérance.