
Prises de ma fenêtre. Même en ville, on peut apercevoir l’infini, derrière les nuées, des vraies et des « chemtrails »…
Prises de ma fenêtre. Même en ville, on peut apercevoir l’infini, derrière les nuées, des vraies et des « chemtrails »…
De plus en plus souvent je me surprends à me dire que la vie peut être si simple, si simple et si douce. Voilà plus d’un an et demi que j’ai quitté mon travail pour accueillir mon petit Papillon. J’étais si épuisée. La sensation de la mue qui s’opère commence à affleurer à ma conscience. La fatigue a changé de visage. Elle ne m’écrase plus dès le réveil, lourde carapace, fardeau sisyphéen, châtiment pour lequel je cherche toujours la faute. Elle me prend le soir comme la marée montante après une longue journée qui n’est plus faite seulement de luttes intestines. Oh bien sûr… je continue à lui résister, à me tendre comme un arc furieux qui oublie qu’il pourrait se rompre.
Mon âme foule les champs d’asphodèles, me guidant vers des profondeurs insoupçonnées, à la rencontre de peurs encore plus intimes et troublantes que celles qui me hantent encore. Je découvre que je peux faire corps avec ma colère, ou alors qu’elle peut m’échapper, comme si mes mains avaient un pouvoir ensorcelant et destructeur dont j’ignorais tout.
Cadeau qu’il fait à chaque nouvelle mère, le temps a ralenti pour moi. Je reparlerai de ce merveilleux livre de Naomi Stadlen, What mothers do, especially when it looks like nothing. Un livre a-t-il jamais si bien parlé de tout ce qui tisse cette vie maternelle, ces riens invisibles qui pourtant transforment toute mère jusqu’aux tréfonds de sa chair et de son être?
Je savoure ces derniers jours de l’été, ces soleils qui voudraient tout incendier en se couchant, les promenades dans la fraîcheur de l’automne qui gagne du terrain, comme le désert nu sur la forêt luxuriante. Vents de sable ou vertige de l’immensité, je ne sais ce qui me guette. Guerre ou paix. A la croisée de mes chemins, de nouvelles batailles attendent que je sois prête à les mener.
Self portrait challenge – Ma photo a été sélectionnée par Nicole! Friday is my favorite day (bathroom week 1) et par Marc! Sunday Story: Bathroom
La salle de bain est petite mais très lumineuse. Une grande fenêtre donne sur la cour. Difficile d’y préserver son intimité si elle est ouverte. Ou alors il faut jouer avec les battants de telle sorte que l’ouverture se fasse vers ce grand mur aveugle, sur la droite. Au sol, des carreaux de ciment couleur crème et sang de boeuf. Quel nom affreux pour une couleur. Si vous en avez un autre à suggérer, n’hésitez pas… C’est une baignoire ancienne, très profonde, très haute, avec des pieds, dont l’émail est un peu usé par endroits.
Aujourd’hui, je n’ai pas d’histoire à raconter. C’est si vrai et si faux à la fois. Le temps s’écoule-t-il comme l’eau, en serpentant et en tourbillonnant?
Le temps n’est pas à proprement parlé suspendu, disons plutôt figé. Comme le verre qui paraît-il s’écoule, malgré les apparences. Invisiblement. Le sang afflue jusqu’au bout de mes doigts, la main détient un pouvoir effrayant. Posons-la doucement sur le rebord de la baignoire, froid et lisse, courbe et droit.
Pied à pied, un espace qu’il faut franchir, incommensurable et infime. Si je laissais mes vêtements qui pèsent comme un scaphandre et me glissais dans cette épaisseur transparente…
… et sombrer dans l’oubli des reflets du miroir.
Nuée. Le troisième thème proposé pour Jeublog. Cette fois, je devrais pouvoir participer chaque semaine. Je ne suis pas très satisfaite de ma proposition, d’ailleurs le thème est difficile, tout son intérêt est là!
Jusqu’ici, sur ce blog, j’ai publié soit des photos sans texte, soit des textes illustrés par une photo, mais jamais vraiment l’inverse. J’aimerais écrire des articles où photo et texte seraient indissociables. J’ai décidément du mal à trouver « mon » ton, mais après tout, cette sensation de tâtonner n’est pas si désagréable…
Enthousiasmée par l’article de Raffa sur l' »éco-emballage humain », c’est-à-dire, sur la manière de se fabriquer un vêtement sans couture à l’aide d’un morceau de tissu drapé ou noué, je m’y suis essayée.
Edit du 20/11/2007: Ce n’est sans doute pas très orthodoxe, mais faute de temps (et surtout d’organisation) je n’ai rien de neuf à proposer cette semaine pour le thème du Selfportrait Challenge « What I wear » et je fais donc un lien vers ce post du mois de juillet dernier.
C’est un lieu commun de le dire, mais flâner à Paris relève de la gageure. Trop de bruit, trop de monde, trop d’agitation et d’empressement. Mon lieu commun à moi, c’est flâner le long des quais de la Seine, s’arrêter devant un bouquiniste, prendre une vieille édition originale protégée de la poussière urbaine par sa couverture transparente, jeter un coup d’oeil furtif au prix, inscrit au crayon dans le coin supérieur droit de la première page, reposer le livre, un recueil d’Aragon, reprendre tranquillement son chemin. C’était il y a bien longtemps. Aujourd’hui, je flâne jusqu’au square, en fin d’après-midi, avec ma fille contre moi. Je suis le chemin que mes pas ont choisi, au fil des jours. La rue commerçante. Je jette un coup d’oeil distrait aux étals de poisson ou de fruits, les barquettes de framboises me font de l’oeil, mais je continue ma route. Je ne passe pas inaperçue… enfin plutôt, c’est ma fille enveloppée dans son écharpe qui attire les regards, attendris ou curieux. Je longe l’église, et parfois, rarement, j’y entre quelques instants. J’espère toujours m’y rencontrer moi-même, dans ce silence qui résonne de toute la hauteur de la voûte, dans cette atmosphère lourde d’un recueillement qui me serait presque… étranger. Je ne m’y suis pas trouvée, alors je retourne à l’agitation profane de la rue et reprends mon chemin. Quelque chose a changé, malgré tout. Peut-être est-ce mon regard sur les choses ou juste la lumière du jour…
Les êtres lents n’avaient pas bonne réputation. On les disait empotés, on les prétendait maladroits, même s’ils exécutaient des gestes difficiles. On les croyait lourdauds, même quand ils avançaient avec une certaine grâce. On les soupçonnait de ne pas mettre beaucoup de coeur à l’ouvrage. On leur préférait les dégourdis -ceux qui, d’une main leste, savent desservir une table, entendre à mi-voix les ordres et s’empresser à les réaliser et qui, enfin, triomphent dans le calcul mental. Leur vivacité éclatait dans leurs mouvements, leurs répliques, et même dans l’acuité de leur regard, la netteté de leurs traits: de vif-argent. « Ne vous faites pas de souci pour eux, ils se tireront toujours d’affaire. »
J’ai choisi mon camp, celui de la lenteur.
Pierre Sansot, Du bon usage de la lenteur.
Durant la semaine l’homme investit l’espace, alors que durant le Chabbat il investit le temps. Durant la semaine l’homme investit sa relation aux objets, alors que durant le Chabbat il investit la relation à l’autre. Le Chabbat est consacré au repos mais aussi à l’étude, au dialogue, à la promenade, à la visite d’amis… En termes plus philosophiques mais simples, l’éloignement, la mise à distance des objets permet la mise en valeur du sujet, c’est-à-dire de l’homme qui se retrouve face à lui-même et à ses proches.
Marc-Alain Ouaknin, Les symboles du Judaïsme.
Ces derniers jours il y avait au square un groupe d’enfants juifs, des enfants de tous âges sous la conduite de quelques adolescentes. Toutes les filles en jupes, jupes à volants, souvent en brun et en noir. Quelques garçons portent la kipa et on aperçoit les Tsitsit* de leur petit Talit* dépassant de chaque côté de leur chemise.
Les plus petits courent en tout sens, comme un groupe de moineaux qui tour à tour se rassemblent et s’égayent en poussant de joyeux cris. Les « Miriam », « Rachel », « Jérémie », fusent ça et là. Les filles ont enlevé leurs chaussures, qui traînent en tas près de la balançoire. Quelques garçons ont entrepris l’escalade des hautes clôtures qui enserrent le jardin. Les grandes se sont rassemblées autour d’un banc, les unes assises, les autres en tailleur par terre. Elles se racontent des histoires, les derniers potins.
Un peu avant huit heures, un agent municipal vient fermer le square. Il faut partir. Les ombres se sont tellement allongées qu’elles se perdent dans les massifs. Tout s’est enveloppé d’une lumière dorée à l’approche du soir. Les grandes prennent en charge les petits. Il faut rentrer. Certaines disent qu’il faut aller à droite, c’est plus court, les autres, à gauche, au moins par là on connaît le chemin. Une dernière attend les deux retardataires qui n’ont pas encore remis leurs chaussures. Finalement voilà le groupe rassemblé, qui se met en route et s’éloigne, tourne au coin de la rue et disparaît.
Je repense souvent à ma visite à Yad Vashem, le mémorial de la Shoah à Jérusalem. Il s’y trouve un mémorial dédié aux enfants. C’est une grotte plongée dans l’obscurité. Des flammes de bougies s’y reflètent à l’infini par un jeu de miroir. Ces étoiles qui scintillent dans la nuit, c’est la postérité d’Abraham. Des voix égrènent sans fin le nom, l’âge et le pays d’origine des enfants assassinés. Étrangement, je me souviens de ma colère, parce que quelqu’un avait rompu mon fil méditatif en prenant une photo avec un flash retentissant. Mais qu’y avait-il à prendre en photo? Cette obscurité? Ces voix lointaines? Ces minuscules points de lumière frémissants et fragiles?
De la fenêtre de ma cuisine, j’aperçois d’autres cuisines qui donnent sur la cour. Parfois le soir, à une fenêtre d’en face, j’aperçois quelques bougies qui brillent, seules, dans la pénombre. C’est la maîtresse de maison qui a allumé les Nérot chel Chabbat, puis la famille s’est rendue à la synagogue. Et je me dis « tiens! c’est Chabbat! », et j’aime y jeter un coup d’oeil, à chacun de mes passages à la cuisine.
Ombre et lumière, sculptent le temps, sculptent l’espace, offrent au monde une pulsation vivante, un corps vibratile. Des bougies allumées, des lettres noires sur fond blanc, des traces éphémères de mémoire.
* Talit: châle de prière; Tsitsit: franges du Talit comportant des noeuds, symboles du Nom divin.
Par Pépites de chocolats, « Ma définition de l’anarchie« , « Ma définition de l’anarchie (suite)« .