Une vie à

Une vie à rester au bord des choses pleins des poussières d’un battement de tambour une percussion dans le plafond comme une araignée dans mes cauchemars celle qu’on écrase sur le mur en place dans l’armoire ces trésors cahiers stylos rouleaux de papier cadeau et les bijoux d’avant de cette vie à rester au bord des choses fouettés par les hautes herbes envahis répétition qui va qui vient au rythme accéléré d’un cœur mécanique

mais si doux lisse qui va qui vient et j’attends là sur le bord que les autres ont tracés pleins de leurs morts en serrure qu’on dirait rouillée saute à cloche-pied dans les cercles des pierres qui coulent coup de semonce pour corps en déroute au bord du chemin j’ai perdu la trace j’ai oublié la corde qui me bride écoute une berceuse fais tes valises et jette-les à la mer

je vois toutes tes possessions en procession flottent en balancement imagine ce lion à la crinière sourde et ces portes jumelles qui peut les voir il pleut et tu t’abrites sous une vieille charrette abandon des boues dont ils t’ont fait ils nous attrapent par le bras et nous arrachent herbes brûlées fournaise triste sans existence chante flûte ou cuivre dans la moiteur de la rupture des eaux.

On secouera

On secouera les morts les mots les avancées d’écume on plie et replie les passes et les chenaux et tu crois tu crois tout comme les océans s’incurvent sous le poids du ciel et les amants criblés au son le son des boîtes de conserve qu’on mitraille à coups de pierre

tu as décidé de t’inscrire dans le proverbe comme une pensée écrite à l’encre sympathique et j’ai oublié les morts les mots les pontons d’écorce quittant la brume les embruns la mer a disparu dans sa langue au frottement des grains de sable aux dents crissante un hurlement m’a prise et déchirée un chevreuil perdant ses bois et l’arbre lacéré

au point de la mémoire tout en monts et vallées en failles et en arêtes quand les morts les mots y chutent sans déploiement des armées où es-tu

l’attente s’est enroulée sur elle-même volute minérale au parvis des églises car demain j’ai cru être partie et je suis là toujours ici dans l’attente que quelque chose se passe et ce n’est qu’un tourbillon trompeur et perpétuel la démarche bancale

j’ai perdu un truc et il n’y a qu’au grenier que je peux chercher dans les étages aplatis d’une terre sans empreinte tes empreintes humides dans la salle de bain.

On passe

On passe sans revoir le mausolée les loirs et l’indigence du bétail endormi sur la paille des enfants tournicotant tournicoti au bal des louves au luxe soleil dément formellement qui criaille au couchant

je me laisse passer devant toi invisible au feu les murs au mur me dévore on passe sans savoir ceux qui sous les cartons les vieux habits dans les vieux pots du neuf du preux du pieu au son des roues dentées craquent les jointures les coutures les morsures et le temps passe sans pleuvoir au hasard des ennemis ceux d’en face nos prochains sans éclair sans tonnerre dans le tremblement prisonnier des aventures terrestres

et tu cries tu n’as pas le choix c’est toujours ce que tu dis et on passe sans pouvoir sans vouloir au hasard des mots qui s’étalent devant à même la route à même les murs à même les visages inconnus qui défilent comme diapos saccadé le temps en mitraille suinte aux parois du corps à la langue poursuit le chemin en sens inverse en sens interdit au regard le regard fixe le regard fixé à la paroi aussi roche que sable aussi béton que ciment

le concret du temps sans terre où traces de pneus où herbes poussant dans les fissures tectonique des asphaltes on passe au seul reflet des flaques et des vitrines c’est le temps inversé ou le vent qui te pousse dans les retranchements de la ville et cette image répétée en boucle du passant qui ploie accroché à son parapluie retourné.

Vivant visage

Vivant visage
corps recyclé
vivant corps
visage veine
pulsatile
au réverbère
lumière temporaire
au store lumière zébrée
au matin être une autre
vivant visage
corps recyclé
cœur rétractile
au réveil à la nuit
entrecoupée
d’ombres de loups
de processions
phares
en rectangles mous
sur les murs
vivant visage
corps énigme
au matin
être encore
être une autre

Tu es ce pont entre deux dérives

Tu es ce pont entre deux dérives
une ancre
une hirondelle
une aube errante qui perce mes os

Ploie l’extase
au chant de trois gouttes de sang sur la neige
vibrent tes doigts le long de mon dos
à peine une caresse

Tu es ce pont
et je ploie

Tu es l’ombre et chaque brin d’herbe goutte de rosée je te bois

Tu es ce pont entre deux dérives
le tourbillon est toujours lent souffle sur ma peau

échappée dans tes gestes spiralés
et je ploie

j’ai froid tout à coup
une ancre
une hirondelle
une aube errante qui perce mes os

Dans la marge repliée du ciel

Dans la marge repliée du ciel
on contemple les océans défaits
et les arbres arrachés

on compte

las

la fixité des secondes et le silence des corneilles dans les champs
qui miroitent leur pluie contenue et leurs braises éteintes

on brume
on brumine
on assassine

on arrache son propre cœur pour le jeter aux ordures

a-t-on déjà vu ça
une décharge de cœurs à ciel ouvert ?

dans la marge repliée du ciel
on se retourne pour ne plus voir
on montre au monde
son dos zébré

on laisse échapper quelques gouttes de son sang
qui précipitent dans la mer pourpre
on poursuit la danse d’un sac en plastique en déréliction dans les rues
qui imite l’abandon de la feuille du platane aux rafales urbaines

dans la marge repliée du ciel
on dort d’un sommeil de houle glacée

on voudrait fermer les yeux
mais un grain de sable s’est insidieusement glissé
dans les rouages rouillés
de nos esprits
décorcelés

Debout

debout. je suis partie en courant sous la neige flottaison du temps enroulé à la branche qui dérive assise en accumulation de pensées au son des cordes discordantes parcelles effondrées le vent t’emmure en blanc peut-être en frottant frénétiquement les carreaux la lumière pourrait la lumière pourrait la lumière ? je suis partie jambes ciseaux fouettée par tes branches en suivant tes traces enluminées d’une flaque pourras-tu éclabousser d’encre mon ventre et mes cuisses je sème les terminaisons de mes nervures aux limbes découpés me croirais-tu quand tu vois ce paysage qui dévore mon visage ce point duquel tout s’échappe dissimulée dans le repli de l’aine la missive des enfants morts ces points de lumière dans le noir au son des cloches fendues alléluia dans le tourbillon lent des sentiers j’irai de collines en monts mis à nu ces lombes qui portent un corps enroulé je leur parlerai de toi. enfin.

Que tu disparaisses

Ce sont mes horizons
que tu sondes
mes plissements et mes glissements

Ce sont mes failles
mes argiles et mes limons
que tu griffes

Dans le mouvement
lent de mes plaques
traces assises
mes affleurements
et mes lignes érodées

Je suis lourde et pleine
écorce qui déferle immobile
dans l’effort
dans la poussée
dans l’enfantement

Roche mère usée
sous son drap noir
d’humus
ou de bitume

Je me couche
et tu me broies
mes fissures craquent
et vomissent leurs boues
et leurs eaux

Je vois bien que ta rage
n’aura de cesse
que tu te couches à ton tour
que je t’ensevelisse

Et qu’enfin tu me sois rendu
dans la décomposition
de tes influx fuyants
et corpusculaires

Trace

jardinière
tu m’as séparé
en deux
comme un cœur

je ne suis
soudain

jardinière

plus en toi
en moi tu n’es plus

séparés
par la ligne de désir

que tes pas
ont tracée
au fil des jours

tes grandes foulées
dans les herbes folles
de mes recoins
d’ombre

ton dos courbé
pour embrasser
les rêves
que tu as semés

je t’ai offert

jardinière

ce chemin
et tes pieds
l’ont chéri

c’est la trace
de toi
qui demeure
une brise légère
hors du chemin

en moi
séparé
en moi
imprimée

dans la mémoire
humaine

Ogresse

aussi dépouillée
que la terre nue
tu sèmes tes membres
aux quatre vents
de l’hiver

quel monstre d’enfant naîtra
de ton pied profané
de ta main raturée ?

aussi défaite
qu’une mer
aux genoux écorchés
tu gifles la rage
qui s’échappe de toi
en paquets hoquetants

En dernier (la guerre)

Au chant de la rivière qui marche tu danses tu siffles tu harmonises les trompettes fantassines tu pries tu cours tu cries tu essores les élans réprouvés tu cours tu cours dans la mélodie des arrières déplacés des muses labellisées au canon tu échoues au front des anges déclassés et prends la mouche des vaches au joli coche libelliste dans le miroir des fleuves incessants tu crois tu cris tu m’expliques la vie les vieux les volcans avec l’envie de tout foutre en l’air dans l’acide d’une tempête va va et ne pèche plus tu vois j’écris et sans crier je réponds qu’elle est là impudique et ignorée en peine de vagues ensanglantées non tu crois tu cris tu fais le tour de la croix tu mixes le tout à l’huile de coude tu gouttes et toc tu cours tu meurs tu brises les mœurs de leurs bonnes gens les calvaires les cimetières les trous tu pries tu ouvres l’heure des chœurs empaillés dans l’abri du temps ramasse à la pelle les ouvertures en ogive qui crissent couvercle au choix des pauvres dans l’artifice et l’artillerie des bombardiers slaves au garde à vous êtes foutus foutus foutus c’est pas la guerre c’est l’apocalypse des misères en terreur du temps enfilé au chas de l’aiguille je tords je prends je tire je lasse je casse avec les dents s’effritent les armées du dedans s’évertue et s’émerveille le chant plié des matines ondulées dans la moire uniforme du mercenaire embarqué dis-moi soldat pioupiou troufion rejoins tes troupes et garde-toi de divulguer la gent ailée au bousier.

Il ne restera de toi

Il ne restera de toi
que la mer à ton plafond
et un rêve de ruines
où tracer ta route

Tu laboures comme tu navigues
dans les nervures des voûtes
terrestres

Te laissant aspirer
dans le délitement volontaire
de tes pierres au corps

T’abandonnant au mouvement
irrésistible de ta disparition
tu t’amenuises tu te dépeuples

Je voudrais plonger dans ta faille
me promener dans ton éclipse
accueillir ta perte

Tu prendrais ma main légère
tu t’étendrais sur la peau de la mer
abolie dans la multiplicité de ses plis

Quoi que je fasse quoi que je tente
tu t’évaderas pierre après pierre
dans la beauté insupportable de tes ruines

Désormais indifférent à ma défaite

Plonge

Plonge dans tes larmes
Orbe dansant des pluies délaissées

Cours sur tes traces

Tu fais naître dans la fragile parure des lueurs toutes les petites choses qui germent sous tes pieds fertiles

J’ai pris

Encore la courbe des jours sur les marches qui conduisent à ta maison déclinante j’ai pris
et j’ai trouvé dans le silence d’une virgule les arbres en mots de poussière

On pourrait parler des âmes contenues dans le pincement de ton pouce et ton index sous la grenaille des prairies gelées

Mais tu préfères tracer la ligne de toutes les flottaisons dans le dos des merles en vadrouille et j’ai compris

Le visage de cette larme et son reflet pâle dans les nuits d’hiver où je voulais tout diluer tout délaver

Tout recommencer

Brèche en toi refermée

Brèche en toi refermée
Saigne blanc sur la pierre
recousue entrailles

Tu te creuses
au mur toi
à la petite cuillère

Soupire aux vents
des nuits plates
un filet de lueur

Une galerie
Proie tu es
Qu’on enfume

Danse sous les barbelés
De ta conscience
Tatouée

Bête traquée
Comme au temps
Tous les temps

Au sol plaqué
Muet se déchire
En toi la brèche

N’endigue plus
Le flot des sels
Brûlant tes coupures

Mieux vaut filtrer
Lueur intestine
Du corps lambeaux

Tu quittes et lâches
Infiniment recommencé
Le fil rompu

En forêt

Et tu trembles de tous les muscles de tes cuisses
Obstiné dans la posture de l’arbre tu glisses

Garde le rythme danse en cœur foule la joie
En glaise déçue obstiné tu frottes la corde

En criant de la terre nue plein la bouche
Ô souffle qui te vide jusqu’au talon

Et broie ta cage thoracique pourrait
Tordre les barreaux qui te transpercent

En volutes échappées crissantes
Dans un coin où tu craches perdu

Forêt en traces de biche tu suis
Dans l’ombre verticale en toi tes tripes

Perdu toc toc des pics
Tous arbres se ressemblent

Et tu trembles et tu tintinnabules
Creuses aux tympans un choc en retour

Pas de clairière pas de lumière
Sous feuilles brunes poussent ronces

Aux épines t’agrippent aux empreintes
Restes obstinément à la lisière