François Bon et Scriptopolis ont lancé l’idée des Vases Communicants.
Aujourd’hui La Méduse et le renard et Enfantissages s’invitent réciproquement.
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Six pieds
Il a déterré six pieds. Différentes pointures, mais de beaux pieds. De ceux dont on se satisfait qu’ils marchent dans les excréments, de ceux qui laissent le mauvais pied se lever à leur place. Il les a bichonnés, les a cirés, les a apprêtés en grandes pompes, les a brossés dans le sens du poil. Sur le chemin du retour, il ne pouvait s’empêcher de jeter un œil sur les pieds qu’il avait disposés en éventail dans sa besace. Il les tripotait machinalement, et quand sa main se refermait sur l’un d’eux ils étaient comme pieds et poings liés. Sur un pied d’égalité. Il se demandait pourquoi les mains avaient toutes les faveurs qui manquaient aux pieds.
Une fois chez lui, il a trouvé chaussure à chaque pied. De beaux souliers vernis, brillants comme du poil de renard dans l’huile d’olive. Il les a disposés sur une vieille commode qui n’avait pas accueilli de pieds depuis qu’on avait accroché les vieux tableaux de son arrière grand-mère très haut sur le mur du salon.
Cette nuit-là, il n’a pas dormi. Trop absorbé à contempler ses pieds. De ravissantes sculptures, des bouts de chair humaine taillés sur mesure pour les six souliers vernis qui les attendaient. Chaque fois qu’il clignait des yeux, il redécouvrait de nouveau ses pieds dans leurs souliers. Il faut dire qu’ils n’étaient pas mal non plus les souliers. Ils avalaient la lumière de la pièce et ne la rendaient pas. Ils étaient protecteurs. Noirs, très noirs, de belles pompes funèbres dans la lueur de la bougie. Sur le matin, il s’est endormi. Il n’a pas pu lutter. Mais quand il s’est réveillé, ils étaient toujours là. Il a souri. De ces sourires dont on se décrocherait la mâchoire, assurément. Mais quand il a baissé la tête, il a bien vu que lui n’avait toujours pas de pieds. Il s’est tout de même senti chanceux. C’était pas donné à tous les culs-de-jatte, d’avoir six pieds flambants neufs sur la commode du salon.
Les autres participants:
Ligne de vie et Balmolok
Biffures Chroniques et L’arbre à palabres
Frédérique Martin et Humeur noirte
Annie Rioux et Philippe Maurel
Tentatives et Brigitte Célérier
Pierre Ménard et Joachim Séné
A chat perché et Kill me Sarah
Petite racine et Juliette Mézenc
Et le chemin vers mon texte accueilli par mon complice : http://lameduseetlerenard.blogspot.com/2009/11/special-vases-communicants.html
avec ou sans pied le rythme nous mène – jusqu’à la chute
J’ai fait des pieds et des mains pour soigner la chute ;)Merci
Quelle excellent idée d’inviter la Méduse, ce qui lui donne l’occasion de nous proposer un texte plus long que d’habitude, mais toujours de la même tenue, et tirant vers l’absurde et l’horrible, comme j’aime.
Méduse, quel plaisir de te lire plus longuement, un texte à tiroirs étrange et coloré, du rab Renard, siouplé !
Merci Kouki. Le Renard est en train de refaire de la soupe de Méduse, bientôt du rab :)
Ah! je suis contente que ça vous ait plu autant qu’à moi :-))
« brillants comme du poil de renard dans l’huile d’olive » : on ne peut franchement pas être plus évocateur :-)
C’est au poil hein…
Un bon renard a toujours plusieurs issues à son terrier, vous en apportez la preuve toujours libre et leger même hors de chez vous.
Pendant que je vous tiens , auriez vous l’idée de faire un recueil de vos proses et photos insolites ?
Merci Fidel. L’idée est fort plaisante, mais ceux qui pourraient la concrétiser ne s’aventurent pas à l’entrée du terrier. J’hiberne en attendant qu’on me réveille…
Ca alors les Médusards Renuses, faut vraiment que vous écriviez d’autres textes de ce tonneau !
Merci pour ces encouragements Anna, il y en a déjà plein d’autres d’écrits, mais je suis cachotier ;)
Anna, t’as pluka qu’à inscrire La Méduse dans ton carnet de bal bien rempli des prochains Vases communicants pour le faire sortir un autre texte de son terrier!
D’autant que la Méduse serait ravie de danser avec un Sandre ;)
Ben… Chuis bookée jusqu’en mars inclus… Tu te découvrirais d’un fil en avril ?
Une méduse et un centre, un bon pot de Sécotine mes chers ! çà promet ! Moi qui aime les collages, v’la d’la religieuse !
bien sûr, c’était « Sandre » qu’il fallait lire … suis un peu trop sollicitée ces temps ci, excuses !
J’me désape en avril Anna, t’as ma parole.
C’est noté !
Première fois qu’une histoire « au ras de pâquerettes » me tient le nez en l’air.
J’en suis ravi Balmolok.