Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai voulu un enfant. Des enfants. Être mère. J’avais décidé que je voulais trois enfants et que le premier naîtrait quand j’aurais 26 ans. L’âge auquel ma mère m’a eue. Sans commentaire.
A 25 ans, j’ai eu mon premier emploi stable et un salaire décent. J’étais rentrée dans la fonction publique. Alors je me suis sentie prête. Prête à devenir mère. Mon compagnon d’alors était encore étudiant. Je voulais bien attendre encore. Et puis le temps a commencé à passer. Mes demandes sont devenues plus fréquentes, puis plus pressantes. Je voulais un enfant.
Mon compagnon ne me disait pas non, mais pas oui non plus. Il s’est mis à poser des conditions. Elles m’atteignaient en plein cœur, j’étais révoltée, mais je finissais par plier, par essayer de changer, par y arriver même parfois. Pour découvrir qu’il fallait que je subisse de nouveaux délais, de nouvelles conditions, de nouvelles humiliations: « Je ne pourrai jamais avoir des enfants avec quelqu’un comme toi! ».
Aujourd’hui, je me demande encore comment j’ai pu vivre un tel enfer. Je voyais 30 ans comme une barrière fatidique pour concevoir un premier enfant. On nous le rabâchait suffisamment: après 30 ans la fertilité chute drastiquement! Et je voyais les années défiler avec une panique croissante. Et plus le temps passait, moins je me sentais capable de quitter cet homme. Combien de temps me faudrait-il pour rencontrer la bonne personne? Cela pouvait prendre des années!
J’étais aussi affligée d’une autre angoisse: celle d’être stérile. Une angoisse à l’état pure, fondée sur le néant, ou si, fondée sur le sentiment d’une incapacité générale à être, à réussir, à être heureuse. Comment pourrais-je donner la vie?
J’étais traversée de crises de désespoir qui semblaient donner raison à mon compagnon: mon désir d’enfant était excessif et pathologique. Comment expliquer mon état autrement? Il a fini par essayer de me quitter, sans y arriver: sinon c’est moi qui le quitterais de toutes façons, quand je constaterais à 30 ans qu’il n’était toujours pas capable de m’avouer qu’il se sentait incapable d’être père. Que tout ce chantage n’avait servi qu’à me convaincre de rester, de ne pas l’abandonner.
Et puis mes 30 ans sont arrivés. Et avec eux un apaisement inattendu. La résignation a cédé la place à l’acceptation. Mais il me fallut encore neuf mois, neuf mois pour couper enfin ce cordon et partir vivre une vie nouvelle.
(Lire ici le premier volet.)