Aussi loin que mes souvenirs remontent, j’ai désiré être mère. Comme certains enfants ont un ami imaginaire, moi j’avais… un enfant imaginaire. Je le portais en moi, et lui parlais longuement. J’avais ce besoin de lui transmettre mon expérience, mes émotions, mes réflexions, ce que suscitait en moi le monde dans lequel je grandissais. Un petit moi, peut-être, certainement même, avec le recul. Je n’aimais pas mon enfance et je savais déjà que je ferai autrement, avec mes enfants. Je savais qu’un enfant qui ment n’est pas un menteur, mais quelqu’un qui a peur, je savais qu’un enfant n’est pas coupable, mais le prétexte aux disputes de ses parents.
Parfois, mais pas assez souvent à mon goût, je rêvais de cet enfant, ou que j’étais enceinte. Ces rêves étaient remplis de sensations inconnues de moi dans le monde éveillé, et je me demandais si c’était celles que je connaîtrais en temps voulu. Que j’aimais ces rêves…
Depuis toute petite j’avais des chats, et longtemps il m’est arrivé de rêver que j’étais la maman de chatons. Je me souviens d’un particulièrement, lorsque j’avais 18 ou 19 ans. Dans une portée de chatons, l’un d’eux était différent, par sa couleur, jaune, et parce qu’il était tout petit et frêle. Il était rejeté par les autres. Envahie par des émotions très puissantes, je me suis réveillée en pleurant, et l’intensité de ce rêve, et ce petit chaton jaune, et les larmes, m’ont accompagnée non seulement tout ce jour-là, mais aussi longtemps par la suite.